Marie de Hennezel : « Euthanasie : ne cédons pas à l’émotion »

Membre du comité de pilotage de l’Observatoire national de la fin de vie et  psychologue clinicienne, Marie de Hennezel a travaillé pendant dix ans dans la première unité de soins palliatifs créée en France, en 1987. Auteur de rapports officiels sur la fin de vie, elle a aussi écrit de nombreux livres, dont la Mort intime, préfacée par François Mitterrand. Elle répond à nos questions après la mise en examen d’un médecin urgentiste, à Bayonne, (juillet 2011) pour empoisonnement sur des personnes particulièrement vulnérables.

Le débat sur l’euthanasie a repris avec l’affaire de Bayonne. Qu’en pensez-vous ?

Je suis très surprise que les partisans de l’euthanasie se soient saisis de cette affaire pour reprendre l’offensive. Sans préjuger des résultats de l’enquête, les victimes étaient des personnes âgées, accueillies aux urgences, et dont aucune n’avait apparemment demandé à mourir… Si nous autorisions de telles pratiques, le risque serait grand que des milliers de personnes âgées subissent le même sort. Cette sombre affaire prouve qu’il faut maintenir l’interdit. La loi ne doit reconnaître à personne le droit d’administrer la mort.

Les Français paraissent pourtant favorables à l’euthanasie, selon les sondages…

Ces sondages sont commandés dans un contexte d’émotion qui ne favorise pas une réflexion sereine. Il y a tant de confusion sur les termes et sur les pratiques qu’il faut se garder d’en tirer des conclusions définitives.

Ceux qui se disent favorables à l’euthanasie se prononcent surtout contre l’acharnement thérapeutique, pour une “mort douce”, en clair pour une fin de vie apaisée et sans souffrance. C’est justement pour répondre à cette attente que le Parlement a voté, en 2005, la loi sur la fin de vie. Il suffit de l’appliquer. Les soignants – qu’on n’écoute pas assez – ne réclament pas le droit d’administrer la mort. Beaucoup me disent que la loi les satisfait. Malheureusement, bon nombre de Français continuent d’en ignorer les termes. Les résultats des sondages seraient très différents s’ils la connaissaient mieux.

Que prévoit-elle précisément ?

Que le médecin doit s’abstenir de toute « obstination déraisonnable » : les soins, lorsqu’ils apparaissent inutiles ou disproportionnés, peuvent être sus pendus. La décision doit toujours être prise de façon collégiale, à la demande du patient ou en accord avec sa famille. L’arrêt de traitement ne signifie pas l’arrêt des soins : tout doit être fait pour soulager la douleur. La médecine palliative n’abandonne pas une personne qui souffre. On ignore souvent qu’elle a fait d’immenses progrès. En résumé, ce texte refuse l’acharnement thérapeutique tout en maintenant l’interdit de tuer.

Certaines pratiques de soulagement des douleurs réfractaires peuvent cependant entraîner la mort du patient…

Cela peut arriver, mais l’intention n’est pas de donner la mort, elle est de soulager. C’est quand même très différent ! La question de l’intention est au cœur de ce débat éminemment éthique : quel sens donne-t-on à un acte ? Augmenter la dose d’analgésiques ou d’antalgiques pour soulager la souffrance est une chose. Injecter une substance létale en est une autre. Le curare, par exemple, entraîne une mort très douloureuse par paralysie du système respiratoire. Ce n’est pas admissible. Accorder aux soignants le droit de donner la mort serait d’autant plus dangereux qu’il est très difficile d’interpréter une demande d’euthanasie formulée par un malade en fin de vie.

C’est-à-dire ?

Dans la plupart des cas, ces demandes expriment tout autre chose : un besoin d’être soulagé, d’être rassuré sur les circonstances dans lesquelles se déroulera la mort, un besoin d’entendre les mots justes, de recevoir les gestes de tendresse qui apaisent, bref le besoin de sentir que l’on ne sera pas abandonné.

Les médecins sont-ils formés à leur répondre ?

Pas toujours, malheureusement. Répondre à ces malades exige du temps, un savoir-faire que tous ne possèdent pas. Il faut aider les soignants à s’approprier les principes de la démarche palliative. Le Comité national de suivi du développement des soins palliatifs et de l’accompagnement, que préside le professeur Régis Aubry, y travaille activement. Beaucoup a été fait, beaucoup reste à faire. Le programme de développement des soins palliatifs, lancé par l’État en 2008, est en cours d’exécution. Ce programme « porte en lui les germes d’une dynamique de long terme dans le champ de la fin de vie : la structuration d’une filière universitaire, la diffusion de nouveaux repères professionnels dans les établissements médico-sociaux, la mise en place d’équipes régionales de soins palliatifs pédiatriques, etc. », écrit le professeur Aubry dans un rapport remis au chef de l’État avant l’été. Une loi autorisant l’euthanasie risquerait de ruiner des années d’efforts entrepris au bénéfice des patients.

Ses partisans revendiquent le droit de mourir “dans la dignité”. Que pensez-vous de cet argument ?

La dignité d’un être humain n’est pas fonction de son degré d’autonomie. Ce n’est pas parce qu’on est physiquement dégradé qu’on perd en humanité. Entretenir une telle confusion me paraît dangereux : on pourrait en conclure que des personnes handicapées, parce qu’elles sont moins autonomes, seraient moins dignes de considération que les personnes valides… Il faut rappeler constamment que la dignité est intrinsèque à l’être humain, quel que soit son état de santé. L’idée d’accompagnement est d’ailleurs fondée sur cet impératif éthique. La dignité ne consiste pas à donner la mort, mais à humaniser la fin de vie.

Vous écrivez dans le rapport que vous avez publié en 2003 qu’il ne faut pas déposséder la mort « des rites (les mots, les gestes) qui donnent du sens à ce moment fort de la vie »…

On le dit peu, mais la fin de vie est souvent un temps fort de la vie. C’est le temps des derniers échanges, des derniers gestes, des dernières paroles. Laissons aux personnes en fin de vie le temps de se séparer de ceux qu’elles aiment, de leur transmettre leur expérience de la vie. Ne leur volons pas ces moments intimes, ne nous approprions pas leur mort.

Certains auteurs (André Comte-Sponville, Jacques Attali…) avancent aussi des arguments économiques en faveur de la légalisation de l’euthanasie.

Ne soyons pas naïfs : le risque de dérive est d’autant plus grand que le contexte économique est difficile. Certains soulignent que c’est pendant les six derniers mois de sa vie qu’un assuré coûte le plus cher à la Sécurité sociale. Que deviendraient les personnes âgées qui n’ont pas les moyens de financer leur dépendance et leur fin de vie ? J’ai été frappée que le Sénat examine en janvier une proposition de loi sur “l’assistance médicalisée pour mourir” – heureusement rejetée – au moment même où débutaient les premières consultations sur le financement de la dépendance…

Dernier argument des partisans de l’euthanasie : la liberté.

Ils veulent pouvoir choisir le moment et la manière. La liberté de se donner la mort existe, mais on ne peut exiger d’autrui qu’il l’administre. C’est un acte si grave que les traces psychologiques en sont indélébiles.



Propos recueillis par Fabrice Madouas le jeudi 1er septembre 2011.

Dernier livre paru : Qu’allons-nous faire de vous ? Carnets Nord, 368 pages, 20 €.

Article paru dans l’hebdomadaire Valeurs Actuelles :

http://www.valeursactuelles.com/actualités/société/marie-de-hennezel-“ne-cédons-pas-à-l’émotion”20110901.html

Pour mieux comprendre les enjeux de l’euthanasie, lisez et faites lire l’argumentaire proposé par le Réseau Hippocrate :

http://www.reseauhippocrate.org/IMG/arg_euthanasie_hippocrate.pdf

Partager l'article

Informations légales

1. Présentation du site.

En vertu de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, il est précisé aux utilisateurs du site www.assomedicalegabriel.fr l’identité des différents intervenants dans le cadre de sa réalisation et de son suivi :

Propriétaire : Association Médicale Gabriel – Association loi 1901 – W691092283 PREFECTURE DE LYON – 3 allée Berger, 69160 Tassin-La-Demi-Lune
Créateur : AD/sum
Responsable publication : Dr Jean Jacques Canet – [email protected]
Le responsable publication est une personne physique ou une personne morale.
Webmaster : AD/sum – [email protected]
Hébergeur : AD/sum – 4 rue Sala, 69002, Lyon
Crédits :
Le modèle de mentions légales est offert par Subdelirium.com Générateur de mentions légales

2. Conditions générales d’utilisation du site et des services proposés.

L’utilisation du site www.assomedicalegabriel.fr implique l’acceptation pleine et entière des conditions générales d’utilisation ci-après décrites. Ces conditions d’utilisation sont susceptibles d’être modifiées ou complétées à tout moment, les utilisateurs du site www.assomedicalegabriel.fr sont donc invités à les consulter de manière régulière.

Ce site est normalement accessible à tout moment aux utilisateurs. Une interruption pour raison de maintenance technique peut être toutefois décidée par Association Médicale Gabriel, qui s’efforcera alors de communiquer préalablement aux utilisateurs les dates et heures de l’intervention.

Le site www.assomedicalegabriel.fr est mis à jour régulièrement par Dr Jean Jacques Canet. De la même façon, les mentions légales peuvent être modifiées à tout moment : elles s’imposent néanmoins à l’utilisateur qui est invité à s’y référer le plus souvent possible afin d’en prendre connaissance.

3. Description des services fournis.

Le site www.assomedicalegabriel.fr a pour objet de fournir une information concernant l’ensemble des activités de la société.

Association Médicale Gabriel s’efforce de fournir sur le site www.assomedicalegabriel.fr des informations aussi précises que possible. Toutefois, il ne pourra être tenue responsable des omissions, des inexactitudes et des carences dans la mise à jour, qu’elles soient de son fait ou du fait des tiers partenaires qui lui fournissent ces informations.

Tous les informations indiquées sur le site www.assomedicalegabriel.fr sont données à titre indicatif, et sont susceptibles d’évoluer. Par ailleurs, les renseignements figurant sur le site www.assomedicalegabriel.fr ne sont pas exhaustifs. Ils sont donnés sous réserve de modifications ayant été apportées depuis leur mise en ligne.

4. Limitations contractuelles sur les données techniques.

Le site utilise la technologie JavaScript.

Le site Internet ne pourra être tenu responsable de dommages matériels liés à l’utilisation du site. De plus, l’utilisateur du site s’engage à accéder au site en utilisant un matériel récent, ne contenant pas de virus et avec un navigateur de dernière génération mis-à-jour

5. Propriété intellectuelle et contrefaçons.

Association Médicale Gabriel est propriétaire des droits de propriété intellectuelle ou détient les droits d’usage sur tous les éléments accessibles sur le site, notamment les textes, images, graphismes, logo, icônes, sons, logiciels.

Toute reproduction, représentation, modification, publication, adaptation de tout ou partie des éléments du site, quel que soit le moyen ou le procédé utilisé, est interdite, sauf autorisation écrite préalable de : Association Médicale Gabriel.

Toute exploitation non autorisée du site ou de l’un quelconque des éléments qu’il contient sera considérée comme constitutive d’une contrefaçon et poursuivie conformément aux dispositions des articles L.335-2 et suivants du Code de Propriété Intellectuelle.

6. Limitations de responsabilité.

Association Médicale Gabriel ne pourra être tenue responsable des dommages directs et indirects causés au matériel de l’utilisateur, lors de l’accès au site www.assomedicalegabriel.fr, et résultant soit de l’utilisation d’un matériel ne répondant pas aux spécifications indiquées au point 4, soit de l’apparition d’un bug ou d’une incompatibilité.

Association Médicale Gabriel ne pourra également être tenue responsable des dommages indirects (tels par exemple qu’une perte de marché ou perte d’une chance) consécutifs à l’utilisation du site www.assomedicalegabriel.fr.

Des espaces interactifs (possibilité de poser des questions dans l’espace contact) sont à la disposition des utilisateurs. Association Médicale Gabriel se réserve le droit de supprimer, sans mise en demeure préalable, tout contenu déposé dans cet espace qui contreviendrait à la législation applicable en France, en particulier aux dispositions relatives à la protection des données. Le cas échéant, Association Médicale Gabriel se réserve également la possibilité de mettre en cause la responsabilité civile et/ou pénale de l’utilisateur, notamment en cas de message à caractère raciste, injurieux, diffamant, ou pornographique, quel que soit le support utilisé (texte, photographie…).

7. Gestion des données personnelles.

En France, les données personnelles sont notamment protégées par la loi n° 78-87 du 6 janvier 1978, la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, l’article L. 226-13 du Code pénal et la Directive Européenne du 24 octobre 1995.

A l’occasion de l’utilisation du site www.assomedicalegabriel.fr, peuvent êtres recueillies : l’URL des liens par l’intermédiaire desquels l’utilisateur a accédé au site www.assomedicalegabriel.fr, le fournisseur d’accès de l’utilisateur, l’adresse de protocole Internet (IP) de l’utilisateur.

En tout état de cause Association Médicale Gabriel ne collecte des informations personnelles relatives à l’utilisateur que pour le besoin de certains services proposés par le site www.assomedicalegabriel.fr. L’utilisateur fournit ces informations en toute connaissance de cause, notamment lorsqu’il procède par lui-même à leur saisie. Il est alors précisé à l’utilisateur du site www.assomedicalegabriel.fr l’obligation ou non de fournir ces informations.

Conformément aux dispositions des articles 38 et suivants de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, tout utilisateur dispose d’un droit d’accès, de rectification et d’opposition aux données personnelles le concernant, en effectuant sa demande écrite et signée, accompagnée d’une copie du titre d’identité avec signature du titulaire de la pièce, en précisant l’adresse à laquelle la réponse doit être envoyée.

Aucune information personnelle de l’utilisateur du site www.assomedicalegabriel.fr n’est publiée à l’insu de l’utilisateur, échangée, transférée, cédée ou vendue sur un support quelconque à des tiers. Seule l’hypothèse du rachat de Association Médicale Gabriel et de ses droits permettrait la transmission des dites informations à l’éventuel acquéreur qui serait à son tour tenu de la même obligation de conservation et de modification des données vis à vis de l’utilisateur du site www.assomedicalegabriel.fr.

Le site n’est pas déclaré à la CNIL car il ne recueille pas d’informations personnelles. .

Les bases de données sont protégées par les dispositions de la loi du 1er juillet 1998 transposant la directive 96/9 du 11 mars 1996 relative à la protection juridique des bases de données.

8. Liens hypertextes et cookies.

Le site www.assomedicalegabriel.fr contient un certain nombre de liens hypertextes vers d’autres sites, mis en place avec l’autorisation de Association Médicale Gabriel. Cependant, Association Médicale Gabriel n’a pas la possibilité de vérifier le contenu des sites ainsi visités, et n’assumera en conséquence aucune responsabilité de ce fait.

La navigation sur le site www.assomedicalegabriel.fr est susceptible de provoquer l’installation de cookie(s) sur l’ordinateur de l’utilisateur. Un cookie est un fichier de petite taille, qui ne permet pas l’identification de l’utilisateur, mais qui enregistre des informations relatives à la navigation d’un ordinateur sur un site. Les données ainsi obtenues visent à faciliter la navigation ultérieure sur le site, et ont également vocation à permettre diverses mesures de fréquentation.

Le refus d’installation d’un cookie peut entraîner l’impossibilité d’accéder à certains services. L’utilisateur peut toutefois configurer son ordinateur de la manière suivante, pour refuser l’installation des cookies :

Sous Internet Explorer : onglet outil (pictogramme en forme de rouage en haut a droite) / options internet. Cliquez sur Confidentialité et choisissez Bloquer tous les cookies. Validez sur Ok.

Sous Firefox : en haut de la fenêtre du navigateur, cliquez sur le bouton Firefox, puis aller dans l’onglet Options. Cliquer sur l’onglet Vie privée.
Paramétrez les Règles de conservation sur : utiliser les paramètres personnalisés pour l’historique. Enfin décochez-la pour désactiver les cookies.

Sous Safari : Cliquez en haut à droite du navigateur sur le pictogramme de menu (symbolisé par un rouage). Sélectionnez Paramètres. Cliquez sur Afficher les paramètres avancés. Dans la section « Confidentialité », cliquez sur Paramètres de contenu. Dans la section « Cookies », vous pouvez bloquer les cookies.

Sous Chrome : Cliquez en haut à droite du navigateur sur le pictogramme de menu (symbolisé par trois lignes horizontales). Sélectionnez Paramètres. Cliquez sur Afficher les paramètres avancés. Dans la section « Confidentialité », cliquez sur préférences. Dans l’onglet « Confidentialité », vous pouvez bloquer les cookies.

9. Droit applicable et attribution de juridiction.

Tout litige en relation avec l’utilisation du site www.assomedicalegabriel.fr est soumis au droit français. Il est fait attribution exclusive de juridiction aux tribunaux compétents de Paris.

10. Les principales lois concernées.

Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, notamment modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

11. Lexique.

Utilisateur : Internaute se connectant, utilisant le site susnommé.

Informations personnelles : « les informations qui permettent, sous quelque forme que ce soit, directement ou non, l’identification des personnes physiques auxquelles elles s’appliquent » (article 4 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978).

🍪

Ce site utilise des cookies pour améliorer votre navigation.