Question : » Le corps médical doit évoluer avec son temps. […] Je suis partisan d’une refonte complète des termes de l’engagement médical. »
Dr Philippe Gorny, Le Quotidien du médecin, 13 mai 1985
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Hippocrate est considéré, à juste titre, comme le père de la médecine. Il est en effet l’initiateur de l’observation clinique, l’ordonnateur de la thérapeutique et le théoricien du pronostic.
Mais surtout, de la soixantaine d’ouvrages qui sont attribués à lui-même ou à ses disciples, émerge le serment que les jeunes médecins français prêtent solennellement lors de la soutenance de leur thèse.
Le texte grec est, dans la traduction française de C. Lichtenhaeler [[Lichtenhaeler C. Le serment d’Hippocrate. Rev. Méd suisse Romande. 1960]], remarquablement construit en neuf points selon le schéma dit des anneaux imbriqués ». Il reflète nécessairement les connaissances – et les erreurs – de son époque, mais il a le grand intérêt d’énoncer des principes fondamentaux de l’éthique médicale encore valables aujourd’hui.
Ces principes sont condensés dans le texte actuel, officiel en France depuis l’édit royal de Louis XIV de 1707, fidélité aux lois de l’honneur et de la probité, reconnaissance envers les maîtres, dévouement aux malades, défense de la vie, refus du lucre, respect de la confidentialité, devoir d’enseignement.
Dans la traduction donnée par Littré en 1861, le serment affirme la dignité de l’Homme, citoyen ou esclave et condamne l’injustice et la corruption.
On a proposé de le modifier. Ce n’est pas la première fois, comme en témoignent les ajouts d’Assaf au VIIe siècle, la prière de Maïmonide au XIIe siècle, et les suggestions d’Amatus Lusitanus en 1511 et de Jacob Saaloun au XVIe siècle. Aucune de ces propositions n’a prévalu.
Certains pensent qu’il y aurait lieu de le compléter par des préceptes mieux adaptés à nos sociétés (témoignage par les médecins des exactions commises dans divers pays, remise en question de l’universalité des soins…) [[Gorny P. « Le corps médical doit évoluer avec son temps ». Débat organisé au Médec par Médecins du Monde. Le Quotidien du Médecin 1994 n° 3420.]].
En fait, les opinions actuelles sur ces problèmes sont loin d’être unanimes (voir par exemple la question n° 86 sur le droit d’ingérence).
D’autre part, on peut estimer que toutes les dérives que sont les compromissions idéologiques ou politiques, les exactions perpétrées, contre les populations, les extravagances de certaines expérimentations, relèvent de la condamnation clairement formulée dans le serment : « Mon état ne servira pas à corrompre les mœurs ni à favoriser le crime. »
Ainsi, le serment d’Hippocrate doit, à notre avis, être conservé tel quel.
Il a traversé les siècles pratiquement sans rides. Qu’elle nouvelle version pourrait prétendre être encore d’actualité dans 25 siècles ?
Jean-Marie Mantz, extrait de « L’éthique médicale en question »