La question de la vie est un sujet sensible où la blessure n’est jamais loin.
La question de la vie est un sujet sensible. C’est un domaine où la blessure n’est jamais loin. D’une certaine façon, tout homme est, à des degrés divers, blessé par la vie. Il paraît important de ne pas faire d’angélisme sur cette question, de ne pas transformer la vie en un idéal désincarné, déshumanisé.
La société se plaît à caricaturer les défenseurs de la vie en militants fanatiques coupés des réalités du monde moderne, étrangers à la souffrance humaine. Or, il y a chez le chrétien soucieux de la vie, la conscience du devoir d’annoncer la vérité, et parallèlement, le désir de venir en aide à ses semblables.
La tension morale réside dans le fait que l’annonce de la vérité, si elle entraîne nécessairement une libération, peut au départ susciter des appels de détresse, créer des blessures qu’on pensait enfouies et qui rejaillissent à cette occasion.
Dire la vérité sans blesser
Comment dire la vérité sans blesser les personnes ? Il faut pouvoir être en mesure de répondre à ces appels de détresse. Il ne suffit pas de dire la vérité, il faut l’accompagner, la soutenir, en prendre les moyens. Ce qui exige des efforts, une exigence au quotidien, le désir de se former et de se convertir. Pour cette raison, et parce que nous sommes aussi « dans la mêlée », il faut que nous ayons à cœur de clarifier notre regard sur nos erreurs et nos propres faiblesses, pour pouvoir nous rapprocher avec humilité des hommes blessés qui seront un jour placés sur notre route. Et nous donner les moyens de leur venir en aide.
Unité intérieure, conversion et charité
Il y a une exigence qui est au cœur de la mission au service de la vie : c’est l’unité intérieure, la conversion et la charité.
L’unité, l’Évangile nous aide à nous en rapprocher, et cela constitue une grande source de rayonnement et de questionnement pour autrui. Comment cette personne ou cette famille arrive-t-elle à tenir face aux difficultés qu’elle rencontre, difficultés qui paraissent très dures à supporter de l’extérieur ? Le décès d’un enfant, une maladie grave chez un proche… « Elle a l’air si sereine face à ce qui lui arrive, comment est-ce possible ? »
Le choix de la vie nous place dans une perspective d’Espérance qui nous libère ; il sera source de paix, de bonheur.
Pas d’angélisme
Là non plus, il ne s’agit pas de faire d’angélisme, de croire que tout sera facile : les difficultés sont là, aussi, parfois très lourdes. Pourtant, quelles que soient les difficultés, le choix de la vie nous permet de trouver en nous les ressources d’un dépassement dont nous ne nous serions jamais cru capables.
C’est peut-être cela qu’on appelle la folie de l’amour. Le Christ nous a le premier montré le chemin de cet amour fou qui se donne et qui sauve.
La conversion est liée à un travail intérieur, conjuguée à l’action de la grâce. Ceci est parfois source de combat, car nous-mêmes portons nos fardeaux, nos limites. Pourtant, revisiter ses propres blessures à la lumière de la vie du Christ les remet en quelque sorte « en perspective ». Et dès lors que l’on accepte d’être visité, touché par l’action du Christ en nous, ceci devient non plus un désert, mais un lieu d’où jaillit la vie. Il n’existe aucun péché qui ne soit inaccessible au pardon.
Annonce et action concrète
L’action de Dieu étant marquée par l’incarnation, l’annonce de l’Évangile de la vie reste indissociable d’une mise en application concrète de la charité ; ces deux missions, annonce et action concrète, ne doivent pas être dissociées, même si elles ont chacune leur spécificité et leur importance. Aller à la rencontre des professionnels de la santé pour leur proposer des alternatives à l’avortement ; rencontrer des élus, sensibiliser l’opinion, accompagner des femmes enceintes en détresse, accueillir celles qui ont avorté et les aider à se reconstruire… d’autres initiatives sont à trouver, qui visent à refuser la fatalité et croire que l’homme est capable du meilleur.
Accueillir la vie, c’est donc à la fois connaître la vérité, la recevoir dans la contemplation du Verbe de Vie, le Christ lui-même, qui se révèle à nous ; se convertir au quotidien : convertir notre regard, notre cœur, trouver le chemin de l’humilité intérieure ; regarder notre humanité blessée et rachetée, et dans la logique de cette conversion du regard, nourrir de l’Espérance pour tout homme.
Cela permet de comprendre sous un jour nouveau le sens de la Miséricorde : le pardon est une source de guérison qui libère non seulement la personne qui reçoit ce pardon, mais le rend lui-même « capable » de pardon vis-à-vis de ceux qui l’ont blessés, et de cette manière enraye la spirale négative de la haine, qui se trouve transfigurée en torrent d’amour et de vie.
Sabine Faivre
Sabine Faivre est l’auteur de « La vérité sur l’avortement aujourd’hui »
Analyse sur : http://www.reseauhippocrate.org/spip.php?article66