Ce débat préalable à la loi de bioéthique dont tout le monde parle n’aura pas lieu. C’est autre chose qui se trame parce que le monde a changé. L’homme a concrétisé le projet de se définir, de se construire, de se modifier et de se détruire. Chaque matin, il décide d’être ou de ne pas être. C’est le triomphe de la Modernité au sens historique du terme.
Plus aucune « grandeur d’établissement » en France, plus aucune institution publique ou privée, ne conteste désormais cet acquis de l’autonomie philosophique même si de rares voix isolées s’époumonent encore.
Faut-il aller dialoguer dans des purgatoires éthiques, pinailler sur la rédaction d’un article de loi ou glisser des amendements ? A qui d’ailleurs ? Les amarres aux rives de la sagesse ont été larguées depuis trop longtemps et la vague est trop puissante.
Nous avons déjà les réponses à tous les problèmes, toutes les questions, tous les doutes. Avant même I ‘organisation de tout débat, un ministre annonce que la PMA sans père, partie émergée de l’iceberg bioéthique, sera votée. Sans parler du reste.
La procréation est-elle un marché comme les autres ? Pourquoi pas si ça peut aider. L’embryon humain est-il respectable ? Pas plus qu’un matériau de laboratoire. L’avortement de tous les handicapés est-il légitime ? C’est un « ordre établi » compatible avec la prohibition de l’eugénisme.
Mais les lois ne sont-elles pas respectées ?
Pour être en règle, on change la règle. Etc.
A cela s’ajoutent les débandades habituelles, comme le fait de brandir les soins palliatifs en guise de talisman, pour ne pas avoir à articuler un « non » à l’euthanasie. Hélas ! les soins palliatifs n’empêchent pas plus l’euthanasie que la médecine périnatale n’empêche l’avortement.
Le problème est bien plus profond que l’écume de ces controverses, c’est celui de la légitimité de l’humain. L’humain jouit-il encore d’une quelconque prééminence dans le grand foisonnement du vivant ou l’étalage de la technique ?
Si c’est oui, alors il faut le dire vite parce que le marché a ciblé son nouvel eldorado, le corps humain, une énergie renouvelable qui n’a pas de prix, qui n’a même plus aucun prix.
La phase de la déconstruction de l’humanisme est achevée. La reconstruction transhumaniste est à l’œuvre.
Irons-nous, la corde au cou, en négocier les modalités ?
Comme l’écrit le philosophe Rémi Brague, l’enjeu du XXIe siècle n’est plus celui du Bien comme au XIXe, ni celui du Vrai comme au XXe, mais celui de l’Etre !
Jean-Marie Le Méné
Permanences (Novembre/Décembre 2017)