« Dans la crise des consciences qui marque notre temps, beaucoup en viennent à se demander si la vie est un bien » (Mgr Centène)
Il y a des jours, comme aujourd’hui, où nous prenons mieux conscience qu’à travers la liturgie et la proclamation de la Parole de Dieu, le Seigneur s’adresse vraiment à nous et vient nous rejoindre au cœur des préoccupations qui sont les nôtres, pour nous encourager dans un combat qui n’est pas le nôtre, mais le sien. « Prenant alors un enfant, il le plaça au milieux d’eux, l’embrassa et leur dit : « celui qui accueille un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ne m’accueille pas, moi, mais celui qui m’a envoyé ». L’accueil de l’enfant, l’accueil de la vie est donc au centre de notre rencontre avec Dieu. Et comment pourrait-il en être autrement puisque Dieu est le Dieu de la Vie, le Vivant, le Dieu de la Création, le Dieu de la Résurrection… La vie est le premier don de Dieu, elle est sa première bénédiction. « Croissez et multipliez-vous ». Lorsque Dieu bénit Abraham, il lui promet que sa descendance sera « aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que les grains de sable au bord de la mer ». Depuis lors, la lutte entre le bien et le mal revêt le visage du combat entre la vie et la mort. « Des fils, voilà ce que donne le Seigneur, des enfants, la récompense qu’il accorde, comme les flèches au main d’un guerrier ainsi les fils de la jeunesse. Heureux l’homme vaillant qui garnit son carquois de telles armes, S’il affronte ses ennemis sur la place, il ne sera pas humilié ». En venant en pèlerinage à Sainte-Anne d’Auray, il y a dix ans, Jean-Paul II nous a rappelé que le but fondamental de la famille est le service de la vie. La famille a pour vocation de collaborer avec Dieu dans l’ordre de la création et de transmettre ainsi, de générations en générations, avec la bénédiction divine, l’icône même de Dieu qui créa l’homme à son image. L’amour des époux est une participation particulière au mystère de la vie et de l’amour de Dieu lui-même. Ainsi donc, la morale qui découle de la foi et de l’anthropologie chrétienne n’est pas réductible à une somme d’interdits et de négations, elle est tout entière orientée vers la réalisation de la plus positive des finalités : la vie.
On ne planifie pas la vie.
On ne manipule pas la vie.
On ne fait pas d’expérience sur la vie.
Elle transcende toutes les législations.
Elle transcende toutes les organisations sociales.
Elle est le critère de toute éthique.
S’en prendre à la vie, c’est s’en prendre à Dieu !
Dans la crise des consciences qui marque notre temps, beaucoup en viennent à se demander si la vie est un bien.
Certains, comme Job, en viennent à douter qu’elle soit une bénédiction (« Que périsse le jour où je suis né… que ce jour s’en aille aux ténèbres…Pourquoi donner la lumière à un malheureux, et la vie à ceux qui iront dans la peine ? » (Jb 3, 3 ss). D’autres enfin, privilégiant la préoccupation exclusive de l’avoir, sur le primat de l’être, s’enferment dans une vision individualiste, matérialiste et hédoniste de l’existence. Le développement des sciences et des techniques donne aux uns et aux autres la possibilité d’aller jusqu’au bout de leurs doutes et de mettre en œuvre leurs objectifs. L’habitude prise de poser des actes sans tenir compte de leur finalité naturelle crée une perte de sens, qui, en provoquant un véritable naufrage de l’intelligence et du goût des responsabilités favorise l’émergence d’une culture du non sens et de la mort qui s’oppose au plan de Dieu. « Pendant que tu dormais, ton ennemi a semé de l’ivraie dans ton champ ». Frères et Sœurs, n’avons-nous pas trop souvent dormi face aux nouveaux défis que nous lançait le monde ? N’avons-nous pas trop souvent baissé les bras quand il aurait fallu agir ? Ne nous sommes-nous pas trop souvent tus quand il aurait fallu parler ? Une conception erronée du dialogue et de la tolérance ne nous a-t-elle pas fait adhérer à un faux irénisme, à la recherche d’une fausse paix ignorant la justice et la vérité ? N’avons-nous pas trop souvent oublié qu’il existe une vérité objective sur Dieu et sur l’homme, qui ne dépend pas des appréciations et moins encore des caprices de ce dernier ? Avons-nous toujours été conscients que l’éclipse du sens de Dieu provoque inexorablement l’éclipse du sens de l’homme ?
La Vérité sans la charité est un fruit amer.
La charité sans la Vérité est un fruit pourri !
Nous le constatons dans nos sociétés humaines : la désagrégation de la famille encouragée par des législations qui ne s’enracinent pas dans le droit naturel entraîne une instabilité toujours plus grande pour les personnes et pour le corps social tout entier. Car la famille est le lieu privilégié et irremplaçable où toute personne apprend à recevoir et à donner l’amour qui fait vivre et qui pacifie. C’est en elle que l’on apprend à comprendre et à vivre les valeurs personnelles et interpersonnelles selon la logique du don et de la gratuité et non selon la logique de la possession égoïste et de l’exploitation de l’autre qui génère la violence.
Ne pourrions-nous pas faire le même constat dans la vie de l’Eglise ?
Que d’efforts qui restent désespérément sans fruits ?
Que de structures jadis florissantes mystérieusement frappées d’infécondité !
Que la courbe des vocations suive celle de la natalité n’a pas seulement une explication mathématique. Il y a une mystérieuse corrélation entre l’accueil de la vie et l’octroi des autres bénédictions de Dieu. Dieu est fidèle à ses promesses. Dieu est fidèle à son alliance. Dieu n’est pas avare de ses bénédictions, mais à qui les refuse il ne les donne pas. Ici même, il y a dix ans, Jean-Paul II a invité les chrétiens à un sursaut de conscience. Il a appelé les familles, réunies autour de lui, à témoigner de l’amour et de la vie et du lien irremplaçable entre ces deux réalités à la fois divines et humaines. Il a opposé la culture de la vie à la culture de mort. Ce n’est pas une figure de rhétorique. Ce n’est pas une lutte d’influence, ce n’est pas un combat d’arrière-garde. C’est le combat titanesque que chante la liturgie pascale : « Mors et via duello Conflixere mirando Dux vitae mortuus Regnat Vivus » « La mort et la vie se sont affrontées dans un duel surhumain. Le Roi de la Vie mourut. Vivant, il règne ». Notre Dieu est le Dieu de Résurrection, et c’est à une résurrection qu’Il nous appelle. Comment faut-il s’y prendre ? Dans l’Evangile d’aujourd’hui, Jésus pose un acte prophétique pour répondre à cette question : « Prenant un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa et leur dit : « Celui qui accueille un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille ne m’accueille pas, moi, mais celui qui m’a envoyé ».
Homélie de Mgr Raymond Centène (Evêque de Vannes) à l’occasion du 10ème anniversaire du pèlerinage de Jean-Paul II à Sainte Anne d’Auray.
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