Les professions médicales sont en première ligne dans le domaine de la défense de la vie. Les laïcs chrétiens doivent faire face quotidiennement aux flots de la culture de mort et surtout proposer une autre conception de l’homme, de sa dignité et de sa liberté.
Quelle santé et quelle conscience ?
La Déclaration d’Helsinki [[1975.]] définit la mission du médecin: elle est de veiller à la santé de l’homme. II exerce cette mission dans la plénitude de son savoir et de sa conscience. Mais qu’est-ce que la santé et qu’est-ce que la conscience ?
La santé n’est pas la simple absence de maladie ou d’infirmité, mais un état de complet bien-être physique, mental et social nous dit l’Organisation Mondiale de la Santé dans la définition qu’elle en a donne en 1946. Mais qu’est-ce que le bien-être ? Andre Comte-Sponville, philosophe athée, écrit: Dieu est mort, vive !a Sécu… Quand on ne croit plus au salut, on s’intéresse davantage a la santé… Qu’est-ce que philosopher ? C’est penser mieux pour vivre mieux. Des lors que la médecine fait de formidables progrès et que la philosophie déserte ce terrain-là, qui etait sa vocation, forcément la médecine tend à la remplacer dans la tête de nos contemporains (parce que l’idéal de santé remplace l’idéal de sagesse), ce qui me paraît un contresens et sur la médecine et sur la philosophie « .
Par quels principes la conscience du médecin doit-elle être éclairée à une époque où sont contestées les références morales universelles comme le Serment d’Hippocrate [[Vème, siècle avant Jésus-Christ.]] ?
La loi ? Mais ses variations dans l’espace et dans le temps ne lui donnent pas d’autre légitimité que celle de l’instant d’un consensus, supposé et fugitif, rarement en accord avec la réflexion de Montesquieu : « Une chose n’est pas juste par ce qu’elle est loi, mais elle doit être loi par ce qu’elle est juste « [[L’esprit des lois.]].
Soigner pour soulager ou pour guérir ?
Ce qui est premier dans la fonction soignante, c’est la recherche du soulagement, pas uniquement dans les situations désespérées auxquelles on a tendance à la limiter aujourd’hui, mais aussi au quotidien pour rétablir le confort de la vie compromis par la maladie, même dans ses aspects les plus courants.
Le soulagement et la guérison sont soumis au respect de la nature humaine, ce qui implique le refus de toute transgression sous prétexte de bien-être, voire de mieux-être, d’esthétique ou de performance. Ils sont soumis au respect de la vie, à ses débuts comme à son terme, mais ce respect n’implique pas le déni de la mort, ce qui soulève les problèmes les plus limites, ceux des réanimations abusives et des acharnements thérapeutiques.
« Mais ces progrès fantastiques ont un revers terrifiant: ils nous imposent à nous collectivement la société des hommes et des femmes, de décider qui doit vivre et, qui doit mourir …A toutes ces questIons, qui relèvent d’une « certaine idée » de la dignité humaine, les médecins seuls ne peuvent répondre. Les juges non plus. Les parents pas davantage. Car aucun être humain, fut-il le plus dépendant, n’est la propriété des siens « , écrivait Christine Clerc dans un éditorial du Figaro Madame [[20 novembre 2000, p. 7.]].
Les responsables scientifiques et politiques sont parfaitement conscients de la réalité des choses, ce qui n’empêche malheureusement pas certains d’entre eux de se livrer à de véritables acrobaties intellectuelles ou sémantiques pour tenter de faire accepter l’inacceptable.
Notre référence commune aux valeurs naturelles et chrétiennes devient exceptionnelle chez la plupart des personnels médicaux (infirmières, pharmaciens, médecins) au moins dans toutes ses implications, si bien que nous devons faire un effort pédagogique pour asseoir nos convictions sur des arguments rationnels.
Les soins palliatifs, une nouvelle espérance pour la médecine
Existe-t-il deux médecines, l’une palliative et l’autre curative ? II existe pourtant un objectif commun et une référence commune. On parle beaucoup de la dignité humaine. Existe-t-il une acception commune de ce mot ? La médecine palliative désigne l’ensemble des soins qui n’ont d’autres but que de pallier aux symptômes. Dans la pratique, on réserve ce terme aux soins apportés aux patients parvenus à un stade avancé et irréversible de sa maladie. La médecine a été essentiellement palliative jusqu’au milieu du XXème siècle. La médecine moderne à aussi son travers : la médicalisation excessive de la fin de la vie. Après qu’on ait laisser de côté la souffrance. Les soins palliatifs regroupent à la fois la technique médicale et l’accompagnement personnel. II manque les repères structurants sur ce qu’est la personne humaine. Ils sont remplacés par des repères contraignants imposés par l’économie et par la culture de mort. Le but de la médecine palliative, c’est d’aider les personnes à vivre jusqu’au bout, à vivre leur mort en les libérant de la souffrance physique. Les soins curatifs et les soins palliatifs ne doivent pas être opposés.
Quel est l’objectif des soins ? Sont-ils purement techniques à l’adresse du seul corps humain ou englobent-ils l’ensemble de la personne ? Face à quelqu’un qui va mourir, c’est l’homme derrière sa maladie que l’on regarde en premier. plus la médecine progresse moins on supporte l’échec. Et la mort est pour le monde moderne un échec flagrant. Einstein disait que « nous vivons en un temps ou les moyens sont d’une grande perfection et les buts d’une grande confusion « . Les moyens relèvent de la science et de la technique, le « comment » des choses, les buts du « pourquoi » des choses. La science ne répond pas au mystère de l’homme. Les deux médecines doivent permettre aux personnes à vivre. Notre époque confie aux soignants un fardeau qui était porté autrefois par un tissu social et par une conduite religieuse et la tentation est grande de tout médicaliser.
Reconnaître que tout homme est fait à l’image de Dieu
« Parce qu’il est à l’image de Dieu l’individu humain a la dignité de personne: il n’est pas seulement quelque chose, mais quelqu’un. II est capable de se connaître, de se posséder et de librement se donner et entrer en communion avec d’autres personnes, et il est appelé, par grâce, à une alliance avec son Créateur, à Lui offrir une réponse de foi et d’amour que nul autre ne peut donner à sa place « , nous dit le Catéchisme de l’Eglise Catholique [[Paragraphe 357.]]. En sommes nous réellement convaincus lorsque dans la pratique de notre métier nous sommes confrontés à des êtres humains très blessés par la maladie et en particulier par « une maladie de l’intelligence ?[[Jérôme Lejeune.]].
Dans une instruction, Jean-Paul II nous dit: « Mais où contempler concrètement le visage du Christ ? (…) II est face à nous dans chaque personne, s’identifiant de manière particulière avec les petits, les pauvres, ceux qui souffrent et sont les plus démunis. […] Sans une vie intérieure d’amour qui attire le Verbe, le Père, l’Esprit, il ne peut pas y avoir de regard de foi; en conséquence la vie perd progressivement son sens, le visage des frères devient terne et il est impossible d’y découvrir le visage du Christ » [[16 juin 2002.]].
La Parabole de la brebis égarée nous permet de mieux comprendre le prix de la vie humaine. « Gardez-vous de mépriser aucun de ces petits: car, je vous le dis, leurs anges aux cieux voient constamment la face de mon Père qui est aux cieux. A votre avis, si un homme possède cent brebis et qu’une d’elles vienne à s’égarer, ne va-t-il pas laisser les 99 autres sur les montagnes pour s’en aller à la recherche de l’égarée? Et s’il parvient à la retrouver, en vérité je vous le dis, il tire plus de joie d’elle que des 99 qui ne se sont pas égarées. Ainsi votre Père qui est aux cieux, veut qu ‘aucun de ces petits se perde ,[[Matthieu, 18, 10-14.]]. Cette curieuse arithmétique – qui prendrait réellement le risque de perdre 99 brebis pour en sauver une ? – est là pour nous signifier qu’on ne compte pas les hommes comme les moutons et qu’une vie humaine n’a pas de prix. . Novembre 2002
Les intervenants : Docteur Jean de Butler, Docteur Henri Lafont, Docteur Aimé Ravel, Sœur Mickaël, Docteur Xavier Mirabel, Marie Rineau.